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La bourgeoisie foraine de Courtrai

 

Introduction


Louis de Male, comte de Flandre et de Nevers, par ses lettres patentes du 4 juillet 1324, confirme à la ville de Courtrai tous les privilèges, coutumes, usages, libertés et franchises dont elle avait joui précédemment, notamment quant au droit de bourgeoisie.

A ce sujet, la concession renouvellée dit textuellement :

Item, nous confermons et approvons que nos prévos et eschevins de Courtray pèvent faire bourgeois de toutes manières de genz demouranz dedans ladite chatellerie de quelquonques condicions que il soient. Et s'il s'avenoit que aucuns serfs devenist bourgeois de Courtray et ses sires fust ou païs et le voulsist sivir de aucun droit il convenroit qu'il le sivist dedanz quarante jours après ce qu'il seroit receuz pour bourgeois, ou ce cenon il demouroit franchiz de la bourgesie. Et se ainsi ne estoit que ses sires fust hors ou dou païs; il li convenseroit sivir son serf dedans un an et un jour après ce que il seroit receuz pour bourgeois, ou ce cenon il demourroit franchiz de la bourgesie en la manière dessusdite.

Item, nous approvons et confermons que a la cemonse de nos prévos et eschevins de Courtray doivent tuit nostre bourgeois de Courtray demourant hors l'eschevinage de Courtray venir manoir dedanz ledit eschevinage chascun an trois foiz par quarante jours sous l'amende de cent solz à chascune quaranteine.

(Original sur parchemin conservé aux archives du département du Nord à Lille. Reproduit par Ch. Mussely, dans son Inventaire des Archives de la ville de Courtrai, t. I, pp. 99 à 105)

Définition du terme : bourgeois forain

Par la dénomination "nostre bourgeois de Courtray demourant hors de l'eschevinage de Courtray", Louis de Male vise les bourgeois forains. L'adjectif forain provient en effet de foris, mot latin et adverbe qui a la signification de dehors, en dehors, extérieurement, c'est-à-dire qui n'est pas du lieu. Un bourgeois forain est donc un bourgeois habitant hors la ville et plus exactement hors de l'enceinte fortifiée de la ville directement soumise à la juridiction de son échevinage. Il n'y a aucune relation avec l'idée de foire, par exemple dans les termes acteur forain ou marchand forain.

L'astreinte à obligation de résidence en ville

Avant de parler des avantages appréciables que procurait la qualité de bourgeois forain, il faut faire un point particulier sur ce que stipule la concession renouvellée de 1324, la condition sine qua non quant au droit de bourgeoisie, notamment pour les bourgeois forains : l'obligation d'habiter la ville trois fois l'an par quarante jours chaque fois, sous peine d'une forte amende.

En principe, en effet, la franchise de la ville était inhérente à la résidence. Elle en constituait la raison essentielle, la rançon pratique, le corollaire naturel.

Le fait est démontré par les stipulations générales se rapportant au droit de bourgeoisie. A ce sujet, le document le plus ancien du pays flamand est la keure de la ville d'Hazebrouck, datant de 1336, publiée et savamment commentée en trois gros volumes par Edward Gaillard.

Quant à la franchise de bourgeoisie, sans distinction entre bourgeois forains et urbains, les termes de l'article 64 de cette keure sont les suivants :

Echter, dat elc porter die vri wille siin up siin poortersceip inde port, hie moet houden sine notale ende makent scepen kenlyc waer hyt hout...

C'est-à-dire :

Item, tout bourgeois qui veut jouir de son droit de bourgeoisie dans la ville doit (y) tenir ses nataux et notifier aux échevins où il les tient...

Pour aider à la compréhension, il faut rajouter ce que dit Monsieur A. Vermast, en un précis du commentaire de son oncle Edward Gaillard, édité à Lille à la prière du comité flamand de Flandre :

Les nataux sont les grandes fêtes de l'année... En Flandre, pendant très longtemps, on ne comptait que trois nataux : Pâques, la Pentecôte et Noël.

Sine natale houden, tenir ses nataux, veut dire se trouver dans la ville au trois (ou quatre) grandes fêtes, y passer les fêtes. Il ne suffisait pas de faire, le jour des fêtes, acte de présence dans la ville. Les keures déterminaient le nombre de jours (40, 30, 15, 10) qu'il faut passer en ville à chaque natal et ajoutent qu'il faut, y tenir ce temps maison ouverte, ardans feu, entrans et yssans, couchans et levans, avec femme et enfans et avec les messines.

Le jour même de l'arrivée, il fallait notifier son arrivée aux échevins et indiquer la maison où l'on était descendu... En cas de danger, tous les bourgeois absents étaient obligés de renter dans les murs.

C'était, pour presque toute les villes, une condition sine qua non de la conservation du droit de bourgeoisie que de tenir régulièrement les nataux en ville...

Jouir librement de sa bourgeoisie (au sens de l'article 64 précité), c'est avoir la jouissance de tous les privilèges attachés à la qualité de bourgeois de la ville et notamment la garantie contre toute arrestation.

Ce sont, pour l'essentiel, les commentaires de Messieurs Vermast et Gaillard. Ils expliquent parfaitement comment et pourquoi les trois quarantaines de résidence étaient imposées à tous les bourgeois, donc autant aux forains qu'aux urbains. A mêmes droits, mêmes devoirs !

Source de débit et de profit pour les citadins, l'obligation de résidence fut strictement imposée dans les premiers temps. Aussi les bourgeois forains durent s'y plier, malgré qu'elle constituait pour eux une charge pénible car la grande majorité de ces gens, même ceux d'entr'eux considérés comme nobles, pratiquaient alors l'agriculture et l'on peut se représenter quelle gêne, quel dommage leur causait cette absence imposée de trois fois quarante jours par an, soit le tiers de l'année.

Evidemment, il était de pratique courante qu'on les laissait libres, autant que possible, lors des semailles et lors de la moisson. Mais à quelque date qu'on reportât le séjour en ville du campagnard avec tout son ménage, ce séjour obligatoire et continu (le mot y est) constituait nécessairement une corvée dommageable.

Et l'on ne voit pas que l'inconvénient fut beaucoup moindre pour les tisserands en drap de Wervicq, Menin et Thielt, lesquels possèdaient généralement, en leur lieu d'origine, une maison avec fonds, pourvue d'un outillage approprié.

Eh bien, et ce malgré l'ennui de l'exode, la qualité de bourgeois forain offrait une protection si efficace qu'elle était recherchée par tous les hommes quelque peu fortunés des campagnes et des petites villes. Lesquels se piquaient d'honneur d'acquérir à beaux deniers cette franchise, à une époque d'arbitraire où un reste de servitude subsistait. Chacun aspirait à n'être justiciable que de ses juges naturels, ses pairs.

L'obligation de résidence en ville tombe en désuétude

Or, la qualité de bourgeois forain était héritable. Elle se transmettait aux enfants. Il se fit donc, qu'avec le temps, le nombre de personnes qui possèdaient à Courtrai le droit de bourgeoisie devint considérable, tellement considérable qu'on se demande comment on parvenait à les héberger en ville. De quelques centaines, on était passé à des milliers, atteignant des couches de plus en plus profondes de la population.

Dès lors, maintenir pour tous, dans toute sa rigueur, l'obligation de faire annauellement trois longs séjour en ville, devint une impossibilité à moins d'admettre, à la pâture communale du Broel, un campement de roulottes et de charriots à houpée (wijtewagens).

Il fallut de toute nécessité mitiger et moyenner, réduire les appels et finalement laisser tomber en désuétude cette exigence exorbitante qui avait l'air d'une servitude de rechange.

De fait, aucune amende, pour avoir éludé cette servitude, n'est actée dans toute une suite de comptes de bailliage de 1367 à 1395. Il est vrai que les premières années qui suivirent 1382, il aurait été impossible à la ville de Courtrai d'héberger quelque peu d'étrangers. En effet, en 1382, la révolte des bourgeois de Gand contraint le roi Charles VI à demander l'aide de son oncle Philippe le Hardi et des habitants de Dijon. La révolte fut matée et Courtrai mise à sac et incendiée, punie pour sa participation à l'insurrection.

Expédient financier : l'obligation à nouveau de résider en ville

Cependant, petit à petit la ville se relevait, mais à cause de dépenses d'agrandissement et la construction d'un château fort sur la Lys (autorisation, par lettres patentes d'octobre 1386, du duc Philippe de Bourgogne, comte de Flandre) et pour comble, les finances de la ville mal gérées, si mal gérées, qu'au cours de l'année 1394 le duc enleva l'administration des revenus de la cité aux échevins et à la communauté de la ville, se réservant désormais cette administration (Ch. Mussely, Inventaire des archives de la ville de Courtrai, t. I, p. 139, document LXXIV, Lettres datées de 1399, par lesquelles le duc et la duchesse rendent aux échevins et à la communauté de la ville de Courtrai l'administration des revenus de la dite ville, qui leur avait été ôtée cinq ans auparavant, à cause de la mauvaise gestion). Il devenait de plus en plus urgent de redresser la situation au 10 mai 1395.

A cette date, le chevalier Thomas de Sconevelde succèda, en qualité de bailli, à Jacques de Lichtervelde. Les citadins étaient pourtant saignés à blanc. Il n'y avait guère moyen de leur imposer des sacrifices nouveaux...

Que fit-on ? On résolut d'obliger à nouveau les bourgeois forains à venir séjourner en ville, sous peine de forte amende. Or, venir habiter en ville n'était possible qu'aux plus riches d'entr'eux; ceux-là, obtempérant à la réquisition, venaient ranimer en ville la consommation et le produit des accises. Les autres qui ne pouvaient se payer le luxe d'un séjour prolongé en ville, encouraient forcément la grosse amende. Dans l'un comme dans l'autre cas, le fisc y trouvait son compte.

L'autorité recourut sans délai à l'expédient financier envisagé.

A une première série de bourgeois forains, notamment ceux de Wervicq, de Gheluwe et de Dadizeele, on intima l'ordre de venir habiter Courtrai; mais les réquisitionnés, qui ne connaissaient plus cette servitude, se regimbèrent. Nombre d'entr'eux n'obéirent point à l'ordre reçu; ce pourquoi 100 chefs de famille de Wervicq, 40 de Gheluwe et 9 de Dadizeele furent astreints chacun à une amende de quatre livres dix sols.

Le compte du bailliage, relatant le fait, fourni une nouvelle preuve de la désuétude dans laquelle la prescription de résidence était tombée; ainsi l'extrait qui suit marque le désaccord surgi sur le point de savoir à qui revient le produit de l'accise :

... ensi comme leur fu commandé par les provos de la dite ville sur lamendé de cent s(ols) chascun, dont les parconniers dyent quil doivent avoir le tiers et le bailli dist quil appartient seul et pour le tout à monseigneur...

(Extrait : compte de Maes de Sconevelde, bailli de Courtray, du 10 mai au 20 septembre 1395, repris au registre n° 13812 de la chambre des comptes aux archives du royaume à Bruxelles)

Le procédé fiscal remis en route s'avère profitable, aussi persèvère-t-on en convoquant à tour de rôle des bourgeois forains habitant en directions diverses comme il apparaît dans les comptes du bailliage :

Le compte, clôturé le 8 mai 1396, enregistre les amendes pour seulement 22 défaillants (compte tenu de la rigueur déployée à Wervicq, Geluwe et Dadizeele), dont 3 habitants de Herzeaux, 1 de Rolleghem, 2 de Belleghem, 4 de Harlebeke, 1 de Waereghem et 1 de Saint-Genois, mis à l'amende portée cette fois à 5 livres.

Le compte, clôturé au 16 septembre 1396, enregistre les amendes de 24 réfractaires, dont 3 de Ruysselede, 2 de Wonterghem, 14 de Wervicq, 2 de Menin, 2 de Moorseele et 1 de Wevelghem.

Le compte du terme qui commence quatre mois plus tard, inscrit comme payées les amendes que subirent, pour le même motif, 1 bourgeois d'Ingelmunster, 2 de Roosebeke, 1 de Bavickhove, 1d'Iseghem et 2 de Thielt.

L'affranchissement de l'obligation de résidence en ville

Entre mai 1395 et janvier 1397, l'opposition à la mobilisation des campagnards a gagné en force et en importance.

Le compte du bailliage, arrêté au 7 mai 1397, en fait l'aveu indirect dans les termes qui suivent :

Des bourgeois forains de Courtray qui doivent faire résidence XL jours quant il leur est commandé par les provos de la dite ville sur lamende de V l. pour chascun laquelle appartient à Monsieur seul pour ce que les provos de la dite ville de Courtray pour le terme de ce compte ne les ont pas mandé de venir faire leur résidence comme ils avoient fait par avant, laquelle chose le dit bailli a proposé à Monseigneur le chancelier lui rescrivit que sur ce en auroit admis par ce néant.

Plus explicite encore, le compte allant du 17 septembre 1397 au 14 janvier suivant :

Des bourgeois forains de monseigneur en la chastellerie de Courtray en diverses paroiches qui ne sont point venus faire résidence de XL jours du jour quilz furent mandé par les provos dillec pour faire résidence à Courtray dont l'amende est C solz (,) lesquels vinrent en ladite ville au jour qui leur fut mandé (;) lesquels bourgeois prièrent au dit bailli pour grace de retourner à leurs maisons et envoier un des haulpointres de la chastellenie devers mon dit seigneur pour les dis venir à traiter et composer (;) dequel chose le dit bailli leur accorda (;) par ce quon nen a rien reçu.

Une même note se retrouve au premier paragraphe dans le compte, dressé le 6 mai 1396, par le bailli Thomas de Sconevelde. Le second paragraphe annonce la victoire des opposants à l'obligation de résidence en ville :

Des bourgeois forains demeurant en la chatellenie de Courtray en diverses paroiches lesquels ne sont point venus faire résidence dedans XL jours du jour quilz furent mandés par les provosts de Courtray en la manière que tenus sont de le faire de chascune paroiche une personne dont lamende est pour les défaillants de C solz (;) lesquels bourgeois non point mandés à venir faire la dite résidence pour le temps de ce compte et pour ce neant.

Et est assavoir que du temps du compte precedent lesdiz bourgeois furent mandez à venir faire la dite résidence et y vindrent, mais le bailli à la requeste des haultpointeurs les relaxa en intencion de ce quilz obtiendront entiere grace de Monseigneur ou seroit admis aucune comme il appert par ledit compte ; mais fut ledit bailli chargiez de les contraindre de venir faire diligence ou que les XL solz accoustumés il levrast les dites amendes au cas quilz nauroient de ce grace de Monseigneur et en feust par le bailli rendu en ces presens comptes. Lesdiz bourgeois ont obtenu grace depuis de Monseigneur et pour ce neant.

(Les comptes du bailli Thomaes de Sconevelde, comme ceux de son prédécesseur Jacques de Lichtervelde, sont repris au registres n° 13812 de la chambre des comptes aux archives du royaume à Bruxelles. Thomaes de Sconevelde resta en fonction jusqu'au 15 juillet 1399)

Que s'était-il donc passé ? Outrés avec raison de la réintroduction de l'obligation de résider en ville, les bourgeois forains de Courtrai avaient dépêché à Bruges des délégués, pour débattre avec les représentants du duc de Bourgogne l'abolition de cette servitude. Pourquoi à Bruges et non pas à Courtrai ? Parce que, de part et d'autre probablement, on estimait le climat de Bruges plus favorable aux tractations.

Les pourparlers de Bruges réussirent. Les bourgeois forains rachetèrent leur liberté, moyennant une rançon globale fixée à 5.000 nobles, à payer en deux termes. L'affranchissement est consacré par le duc et par la duchesse, née Marguerite de Male, dans une charte datée du mois d'Avril, avant Pâques, l'an de grâce 1397.

Afin de prendre les mesures d'exécution pour faire rentrer la forte rançon de 5.000 nobles, le duc dépêcha la commission suivante :

Philippe, fils du Roy de France, duc de Bourgogne, conte de Flandres, dartois, de Bourgogne, palatin, sire de Salms, conte de Rethel, seigneur de Malines, à nos amez et feaulx Pierre de la Canerie nostre conseiller et maistre de nos comptes à Lille et Thomas Sconevelt nostre eschanson, bailli de Courtray, salut.

Comme par nos lettres et pour les causes contenues en ycelles, données en nostre ville de Bruges au mois d'Avril dannée passée nous avons affranchi et deschargié à tous jamais les bourgeois et bourgeoises forains de nostre ville de Courtray de la servitude en laquelle ils estoient de aler faire leur demeure et residence continue en nostre ville euls et leur mesnage tois fois en lan et chascune fois demeurer lespace de XL jours sur peine de cent sols porisis par chascune fois quilz en seroient deffaillans si comme par certain privilege donné par noz prédécesseurs contes et contesses de Flandre peut apparoir (;) pour lesquelz affarnchissement et descharge lesdis bourgeois et bourgeoises ont trettié avec aucuns de nos gens a ce commis de par nous à la somme de cinq mille nobles quil nous ont promis de payer a deux termes cest assavoir tois mille nobles à la saint Remy prochain venant et les autres deux mille nobles a la saint Remy qui sera en lan (mil) CCC IIIIXX dix neuf (;) pour la tourner et commectre es ouvrages de nostre nouvel chastel de Courtray adfin que en nostre dicte ville laquelle par nostre dit chastel sera fortifiée les dis bourgeois et bourgeoises leurs enfans et leurs biens se puissent retraire en temps de guerre (;) et pour ce quils nous ont fait exposer qu'il conviendra la dite somme de cinq mille nobles imposer et asseoir sur euls et que à ce nous pleust commectre tels que bon nous sembleroit (,) est que nous ces choses considérées vous mandons et commectons par ces présentes que appelé avec vous les quatre hauls apoincteurs de nostre dite chastellenie ou les trois ou deux diceuls et autres en tel nombre que bon vous semblera vous imposez la dite somme de cinq mille nobles sur tous les dis bourgeois et bourgeoises forains dudit lieu de quelqueconques eage estat ou condition quil soient et qui en ce peuvent prendre raison et affranchissement cest assavoir sur chascun deuls justement et également selon sa faculté et puissance sa porcion de ladite somme et ycelle ainsi imposée faire lever et recevoir par Guillebert Dandelghem receveur ordinaire des retenues de nostre dite chastellerie et commis par nozautres lettresa recevoir la dite somme de cinq mille nobles pour ycelle baillier et délivrer à nostre receveur général de Flandres adfin de la convertir au faict de nos dis ouvrages par lordonnance de ceuls qui a ce sont commis de par nous. Et tous seuls qui seront refusans ou déloyans de payer leur porcion de ladite somme nous voulons que vous bailli ou votre lieutenant en faciez tantost et sans délay exécution sur euls par prise de corps et de biens et ainsi quil est accoustumé à faire pour nos propres debtes (;) desquelles choses faire les circonstances et dépendences dicelles nous avons doné et donnons povoir et auctorité (;) mandons recommandons par ces mesmes présentes à tous nos officiers et subrogés requerrons tous autres quil appartiendra que à vous et à vos commis et députez en ce faisant obéissent diligemment.

Donné en nostre ville dArras le IIIe jour de may lan de grace mil CCC IIIIXX et dix huit.

(Archives générales du royaume à Bruxelles : registre n° 44553 de la chambre des comptes)

La répartition équitable entre les intéressés de la forte imposition de cinq mille nobles fut évidemment une besogne lourde et délicate.

Pierre de la Tannerie, maître des comptes du duc de Bourgogne, s'y attela, avec l'assistance du bailli de Courtrai, du sous-bailli, du receveur et de plusieurs scribes et sergents. Leurs vacations sont consignées de façon détaillée et de ce fait elles permettent de jeter un regard sur la façon assez désinvolte dont notice était tenue des personnes jouissant du droit de bourgeoisie foraine.

Pour dresser le rôle nominatif de contribution il fallut s'y reprendre en plusieurs fois, mais on attribua une rétribution, à Pierre de la Tannerie, de 1 noble et demy pour 19 jours de vacation (du Xe jour de may lan mil CCC IIIIXX jusques au XXVIIIe jour dusit mois); d'autant pour 15 jours de vacation (jusques au XXVIe jour de Juing inclus); d'autant pour 22 jours de vacation (finis le IIIIe Septembre de lan dessus dit... soit XXXIII nobles).

A chaque séance le bailli Thomas de Sconevelde prêta son assistance à raison de 1 noble par jour.

Finalement on parvint, avec l'aide des greffiers et scribes, à dresser définitivement le rôle nominatif de contribution pour le premier terme du rachat, comportant trois mille nobles.

La plus haute quote fut portée à deux nobles par tête; la plus petite à un demi quart de noble.

Ce rôle, une mine d'or pour les recherches généalogiques, est inséré au registre n° 44553 de la chambre des comptes aux archives générales du royaume à Bruxelles. Il renseigne, rangés par localité, les noms de 7.753 personnes jouissant à Courtrai, en l'année 1398, du droit de bourgeoisie foraine.

Un chiffre impressionnant et qui démontre bien le rayonnement que la ville avait acquis dès lors...

Olivier van Dixmude, vantant la puissance de Gand (Victor Fris, Histoire de Gand, 2e éd., livre IV, p. 99. Gand, De Tavernier, 1930), rapporte que cette cité, en l'année 1432, avait 5.000 "hagepoorters". A ce point de vue, voilà Gand, principale ville des Flandres, surpassée par Courtrai. Qui l'eut cru ?

Même constatation à Bruges. "Indice op de Brugsche Poortersboeken", le remarquable ouvrage de Monsieur l'archiviste Parmentier, démontre que jamais la bourgeoisie foraine de Bruges n'atteignit les proportions de celle de Courtrai.

L'interdiction du cumul des franchises

L'important était de faire ressortir quel essor la bourgeoisie foraine prit au pays de Courtrai, dans la seconde moitié du XIVe siècle, dès lors que l'obligation de résider périodiquement en ville était tombée en désuétude.

A cette époque, les gens quelque peu fortunés des villages et des petites villes du Courtraisis avaient tous recherché la qualité de bourgeois forain. Par là, ils se haussaient d'un cran dans la hiérarchie sociale et se procuraient, à prix léger, des avantages appréciables. L'engouement se justifiait par l'assimilation complète des droits entre les deux catégories de bourgeois, les forains et les urbains. Les uns comme les autres étaient notamment exempts du droit de mainmorte, droit auquel les non bourgeois restaient astreints et qui était une survivance abhorrée du temps de la servitude. Et tout ce qui rappelait la servitude apparaissait odieux !

Si pour les bourgeois forains, être affranchis du droit de mainmorte était un premier avantage, être exonérés du droit d'issue en était un second, mais la faveur la plus estimée dont ils jouissaient, c'était d'être soustraits à la justice souvent arbitraire des seigneurs féodaux, tels notamment en 1377, le seigneur du village de Wynghene et de ses environs et celui de Vichte qui traitaient encore comme "dienstlieden", c'est-à-dire serfs, certains de leurs ressortissants.

Les bourgeois forains n'étaient justiciables que des seuls échevins de leur ville d'option; cela tant au point de vue civil, qu'au point de vue répressif. La juridiction que les échevins, bourgeois eux-mêmes, exerçaient sur leurs confrères, était considérée comme la plus équitable, la plus digne de confiance. Un sentiment de classe et de dignité était mêlé à cette considération. Au reste des faits criants avaient démontré aux gens, et particulièrement aux campagnards, combien la protection de l'édilité communale était nécessaire pour réprimer les exactions et les brutalités des hobereaux.

Il n'y avait pas longtemps que les magistrats des trois bonnes villes de Flandre : Gand, Bruges et Ypres, convoqués à Courtrai, avaient conjointement procédé à une enquête "considérant qu'aucune justice n'était faite des grands crimes et que les pauvres n'avaient aucun moyen de maintenir leurs droits contre les hommes puissants".

Les communes associées firent signifier une citation à comparaître aux principaux coupables, le sire d'Espierres et son frère ou beau-frère; mais ceux-ci reçurent fort mal le messager et le forcèrent d'avaler les lettres de sommation qu'il apportait. La fin lamentable des frères d'Espierres est connue : solennellement condamnés par les représentants des communes, ils furent décapités sur la place publique de Courtrai, en l'année 1351.

Maintes et maintes fois les échevins de Courtrai s'acharnèrent à la défense de leurs bourgeois, notamment lors d'un démêlé avec Guillaume de Nevele, seigneur de Wervicq, autre potentat au petit pied, lequel s'était précédemment signalé par une guerre particulière avec ses voisins, les van der Woestine (A. D. du Nord à Lille, B. 1596, 7e chartrier de Flandre, fo XXXII v°. - Inventaire Godefroid, No 8461). Guillaume de Nevele ayant arrêté dans sa seigneurie un bourgeois forain de Courtrai, refusa de le relâcher, malgré qu'il en fut requis par les magistrats de Courtrai. Le détenu fut mis quand même en jugement à Wervicq et y subit la peine de mort. Outrés, les édiles Courtraisiens portèrent plainte en haut lieu ! Louis de Male, comte de Flandre, par sentence du 26 juillet 1364, reconnut que les échevins de Courtrai étaient en droit d'envoyer partout en Flandre des lettres de défense (brieven van verbode) en faveur de leurs bourgeois et à se charger eux-mêmes d'instruire les plaintes portées contre eux. En conséquence, le comte punit d'amende le bailli et les officiers de Guillaume de Nevele (Parckemijnen Privilegie-bouck de Courtrai, fo 176 v°).

Il y a plus, les prévôts et échevins de la ville de Courtrai se dressent au besoin contre le procureur général de Flandre pour revendiquer les prérogatives de la cité. Un différend avec ce haut magistrat fut porté devant le conseil de Flandre. Par sentence du 8 mars 1419, le conseil reconnut à nouveau et formellement qu'en vertu des privilèges octroyés par les comtres de Flandre, l'édilité Courtraisienne jouissait du droit de juger ses bourgeois forains et d'avoir la juridiction sur leurs biens et leurs personnes (Ch. Mussely, Inventaire des archives de la ville de Courtrai, t. I, p. 162, pièce CXX)

Inutile de pousser la démonstration plus loin : la démocratie montante tinait en échec les pouvoirs féodaux. Il y eut un revers à la médaille; un retour de choses assez naturel.

Le parti qui dispose de la force, cherche à en abuser ! La bourgeoisie triomphante le fit. Elle abusa et l'institution de la bourgeoise foraine lui en offrit le moyen. Non satisfaits de jouir de la franchise là où ils habitent, dans le centre principal de leurs affaires, voilà que les bourgeois en nombre de plus en plus grand, se couvrent ailleurs encore par une seconde et même une troisième bourgeoisie; prétendant, à leur choix, d'user de l'une ou de l'autre. Dès lors des collusions et des compromissions s'établissent; des défaillances sont constatées dans le domaine de la justice, tant et si bien que le pouvoir suprême estime devoir porter remède à la situation anormale constatée au Courtraisis. C'était en effet au pays de Courtrai que l'afflux des bourgeois forains était devenu le plus grand; c'était là que l'abus de cumuler s'était implanté.

Pour remédier à cet abus, le duc de Bourgogne, comte de Flandre, par son arrêté du 18 novembre 1402, défend aux gens de la châtellenie de Courtrai de cumuler dorénavant les franchises de bourgeoisie (Archives communales de Thielt. Compendium of Register van Privilegien der stede van Thielt, fo 13 v° à 16 v°).

Quel renversement de la situation ce mandement n'implique-t-il pas ? A lire les considérations émises par le duc, ce sont maintenant les féodaux qui ont à se plaindre des agissements des bourgeois. Pour brider ces agissements arbitraires, le duc impose d'urgence un ordre. Et comme cet ordre est raisonnable et formel, on pourrait encore croire qu'il fut promptement obéi. Détrompons-nous ! Quand un ordre déplaisait aux bourgeois flamands, ils avaient un talent de temporisation. Les procédures en cours offraient d'ailleurs un prétexte facile d'atermoiement. De fait, l'exécution du décret fut différée, différée quatre ans durant. Il fallut des instances nouvelles pour amener enfin la soumission.

Le 10 juillet 1407 à Thielt et 8 jours plus tard, à Harlebeke, les bourgeois dûment sommés, comparaissent personnellement devant les échevins de leur résidence et font acter devant eux, à quelle unique franchise ils entendent désormais se tenir.

Acte public en est dressé et d'après le procès-verbal, il y eut à Thielt exactement 104 optants pour la franchise de bourgeoisie de ce lieu, parmi lesquels assez bien d'enfants nominativement désignés. C'est peu, eu égard au chiffre énorme de 542 habitants de Thielt payant taxe en 1398 à raison de leur qualité de bourgeois forain de Courtrai. Obligés de choisir entre l'une ou l'autre franchise, la plupart des Thieltois préférèrent s'en tenir à la qualité de bourgeois forain de Courtrai, éblouis qu'ils étaient par le prestige de cette ville (Arch. générales du royaume à Bruxelles. Trésor des Chartres de Flandres, 1ère série, No 1111).

Quant à Harlebeke, il résulte que l'on acta 66 optants qui choisirent la bourgeoisie locale, dont 13 qui déclarèrent comprendre dans leur option un nombre indéterminé d'enfants. Ce nombre d'enfants estimé à 39, à raison de 3 par tête de déclarant, porterait à 105 le chiffre des tenants pour la bourgeoisie d'Harlebeke. Et puisque l'on ne compta en 1398 que 80 bourgeois forains de Courtrai demeurant à Harelbeke, il faut conclure que là-bas, la presque totalité des optants se prononça en faveur de la bourgeoisie locale. Bref, une situation inverse à celle de Thielt (Arch. communales de Courtrai, Parckemynen privilegie-boek, fo 428).

Au sujet de Deynze, aucune donnée n'est connue quant au choix intervenu. D'ailleurs le nombre des habitants de cette ville, jouissant à Courtrai du droit de bourgeoisie, était insignifiant. Leurs attaches les poussaient vers Gand.

Dénombrement et vicissitudes des bourgeois au temps de Charles Quint

Au cours des 25 premières années du règne de Charles Quint, de 1515 à 1540, les franchises des bourgeois forains subsistèrent sans interruption. Elles reçurent même, dans cet intervalle, plusieurs sentences confirmatives.

D'abord intervient, le 4 juin 1522, la sentence rendue par le conseil de Flandre, proclamant que les échevins de Courtrai ont le droit exclusif de juger leurs bourgeois forains demeurant en d'autres verges et seigneuries. Le jugement inflige une punition au bailli d'Harlebeke pour avoir méconnu cette prérogative (Archives de la ville de Courtrai, sentence originale sur parchemin, côtée CCCLVI; elle est confirmée en substance, le 22 avril 1524, par le grand conseil de Malines).

Le conseil de Flandre se prononce derechef en faveur des échevins de Courtrai, le 9 mai 1525; par arrêt de ce jour, il porte défense au prieur de l'abbaye de Saint Pierre-lez-Gand d'emprisonner et de juger à l'avenir des bourgeois forains de Courtrai (Archives de la ville de Courtrai, Parckemynen Privilegie-boek, fo 204 r°).

Les magistrats, les prévôts et échevins de la ville de Courtrai sont victorieux encore, le 12 février 1528, dans leur procédure contre le procureur général de Flandre, qu'en vertu des privilèges et coutumes de la ville, les édiles possèdent pleinement le droit de juger leurs bourgeois, tant en affaires criminelles que civiles. Et le grand conseil de Malines confirme cet arrêt, par décision du 12 juillet 1529 (Archives de la ville de Courtrai, Parckemynen Privilegie-boek, 255 et 257).

Une semblable déconvenue attend le chapitre de l'église collégiale d'Harlebeke. Ce chapitre se targuant de posséder, de toute ancienneté, le droit de haute justice, essaie de soumettre à son jugement quelques bourgeois forains de Courtrai qui habitent en la circonscription seigneuriale du chapitre. L'action engagée est combattue par les échevins de Courtrai et déclarée non fondée, le 10 février 1531, par arrêt du conseil de Flandre (Archives de la ville de Courtrai, Parckemynen Privilegie-boek, fo 331 v°).

Et encore l'arrêt du grand conseil de Malines, daté du 7 octobre 1531, lequel, en dépit des prétentions alléguées par le seigneur de Wacken, reconnaît aux échevins de Courtrai le droit de juger et de justicier leurs bourgeois forains demeurant dans le ressort dudit seigneur.

On le voit, la ville de Courtrai était amenée, à tout bout de champ, à prendre spécialement la défense de ses nombreux bourgeois forains. Elle ne défaillait pas à son devoir malgré ce que cette mission de défense lui coûtait en frais de procédure.

En ces temps-là, le développement de cette catégorie de gens avait acquis une ampleur tellement considérable qu'il était quelquefois difficile de discerner si la qualité revendiquée était possédée en réalité et à bon droit. Il est compréhensible que les mutations, nécessairement fréquentes, n'étaient pas toujours régulièrement déclarées, ni actées.

C'est pourquoi les magistrats de la ville de Courtrai voulurent éclaircir la situation. Ils jugèrent expédient et utile de procéder à un dénombrement général et une registration nouvelle des bourgeois de Courtrai, tant forains qu'autres. Autorisation à cet effet fut demandée à l'empereur. Sa majesté l'accorda par octroi daté du 14 mars 1529.

L'octroi reçut la publicité nécessaire. Les intéressés furent requis de faire valoir leur droit de bourgeoisie et à réclamer leur inscription au registre ad hoc, dans le délai déterminé, sous peine de perdre leur qualité.

1529 - Dénombrement général des bourgeois : le résultat fut stupéfiant !

Les femmes mariées et les enfants mineurs n'étant pas compris dans la nomenclature, on enregistre d'abord deux mille bourgeois urbains, à quelques unités près.

Ce chiffre peut paraître normal : mais formidable semble la quantité de bourgeois forains que décèle le dénombrement. Onze mille cent soixante six personnes majeures se firent inscrire à la registration nouvelle, comme ayant droit de bourgeoisie foraine. En ajoutant que les deux tiers de ces gens étaient des chefs de famille qui, à côté de leur nom, firent acter la laconique mention complémentaire "ende zijn kinderen (et ses enfants)"; de sorte que la nomenclature établie ne comprend ni les femmes mariées, ni les enfants mineurs. Il s'en suit que l'on doit estimer la très-nombreuse bourgeoisie foraine de la ville de Courtrai au chiffre rond de quarante mille personnes.

Les inscriptions sont établies pour chaque localité à part et l'ensemble se trouve consigné dans un registre de grand modèle, que les archives communales de Courtrai conservent en double exemplaire.

Le premier exemplaire, écrit sur parchemin, porte en tête :

Registre vander poorterie vander stede ende casselrie van Curtrycke, daer inne ghescreven ende gheregistreert staen de poorters ende poortessen woonende binnen der selver stede ende casselrie van diere. Vernieut by octroye vander K. Mt anno XVc XXIX

Le double, établi sur papier, et d'une écriture moins belle, porte cette inscription plus explicite :

Registre vande porterie vander stede van Curtrycke daerinne gheteekent staen de porters ende portessen vande selve stede die hemlieden als porters hebben doen inscriven sichtent den XIIIIn in Marte XVc XXIX uut crachte van zekeren octroye vande K. M. ons gheduchten heere inhoudende bevelen daerof tinhouden hier na volcht

Contrairement à cet énoncé, ni ce registre, ni son double, ne donnent le texte de l'octroi impérial.

Telle était la situation hors ligne dont la ville de Courtrai jouissait, quand en 1529 on recourut au dénombrement.

Les choses changent de face dix ans ans plus tard

Alors les Gantois se révoltent contre l'empereur Charles-Quint et les Courtraisiens ont le tort de tremper dans cette rébellion téméraire. Elle fut vite étouffée et dûrement punie. Au reste, toutes les communes de la Flandre, ayant participé à la révolte, encoururent des peines proportionnées au degré de leur culpabilité.

La ville de Courtrai, par sentence du 17 juillet 1540, écope d'une lourde amende. Mais il y a plus grave : la ville est déclarée déchue de tous droits et privilèges.

Il s'en suit une régression particulièrement pénible. Les bourgeois de Courtrai, tout comme leurs confrères forains des environs, se voient depuis lors, à leur douleur et confusion, traiter comme simples mainmortables; stupéfaient, ils voient à chaque mortuaire qui s'ouvre, prélever le meilleur catheil : l'objet le plus précieux ou la tête de bétail du plus haut prix, par ordre de Ferdinand de la Barre, le haut-bailli. Ce dignitaire continue à exiger sans ménagement le droit honni de mainmorte qu'il prélève pendant toute la période suspensive des franchises. Son compte de bailliage en fait foi (Archives du royaume à Bruxelles, chambre des comptes, registre n° 13822, fo 6 et ss.)

Et voilà que les seigneurs hauts justiciers viennent participer à la curée. Les bourgeois forains ayant perdu leur franchise, les féodaux se croient autorisés à percevoir et perçoivent effectivement le droit de mainmorte, à chaque décès survenu parmi leurs ressortissants. Toutefois la chambre des comptes ne l'entend pas ainsi. Elle fait observer que la suspension des franchises résultant d'une punition, c'est à l'empereur que revient la valeur de ces biens mainmortables. Le haut-bailli fait donc restituer par les seigneurs féodaux le produit de leurs susdits prélèvements, pour autant assure-t-il qu'ils soient venus à sa "congnoissance".

Le triste état des choses dura, malgré plaintes et réclamations, jusqu'au jour auquel l'empereur se laissa enfin fléchir, le 4 novembre 1540. Par lettre de cette date, Charles-Quint octroya à la ville de Courtrai, en remplacement des coutumes et privilèges abolis, une constitution municipale moins libérale, bien qu'appelée, par euphémisme, la concession caroline.

La ville de Courtrai reçut de nouveau l'autorisation de conférer la franchise de bourgeoisie à ses habitants et même à des forains, mais ce fut à la condition expresse pour ces derniers de payer au comte de Flandre une taxe nouvelle de trois patards par an.

L'article 35 de la concession disposait :

que le payement des trois patards par an par les bourgeois forains de ladite ville de Courtray, se debvoit faire avant le jour Saint Adrien, dernier passé, et s'il n'est fait, ordonne que l'on publye que chacun paye endedans six sepmaines après ladite publication, à payne d'estre privez de leur bourgeoisie et submis à payer droit d'issue et à leur trépas meilleur catheil.

Cette sévère disposition laissait cependant dans l'ombre d'importants détails d'application et bien des doutes subsistaient au sentiment de Jean de le Berghe, commis par l'empereur à la perception de la taxe nouvelle. Aussi, pour sa gouverne, de le Berghe crut utile de référer, par requête, en haut lieu.

La chambre des comptes à Lille acte le fait , ainsi que la déclaration interprétative, datée du 28 avril 1541, que la reine Marie de Hongrie, gouvernante des Pays-Bas, fit parvenir au percepteur :

Du compte de Jean de le Berghe filz de Mre Cornille receveur du droict de trois pattars levez sur chascun bourgeois forains de Courtray, suivant le XXXVe art(icl)e du nouveau previlège a eulx accordé par sa M(ajes)té de l'an 1540, (compte dressé) pour un an finy a la St Adrien aud(i)t an 1540, encloz et reposant a la chambre des comptes du Roy à Lille, at esté extrait folio anteprimo ce que sensuict :

Sur ce que Jean de le Berghe commis par l'empereur a la recepte des trois pattars par an dechacun bourgeois forain de la ville de Courtray a remonstré a la reyne douagiere de Hongrie de Bohême, etc. régente et gouvernante des pays de pardecha, que par l'ordonnance faicte naguères par sa Ma(jes)té Imp(éria)le sur l'administration de la justice, pollice et gouvernement de la ville de Courtray, soit dict entre aultres choses, que la non résidence et demeure en icelle ville par trois fois de quarante jours en l'an, et la despence d'icelle demeure tous bourgeois forains présens et advenir seront tenus payer chasque an trois pattars au prouffict de sa Ma(jes)té et ce endeans le St Remy et le jour de St Adrien, a paine de en deffault de ce estre privez de leurs bourgeoisies et submis a payer incontinent droict d'yssue et à leur trespas meilleur catheil, toutefois ledit receveur se trouve en difficulté de scavoir quant escherra a payer le premier payement entant qu'il n'est déclaré par lad(i)te ordonnance et qu'elle s'est faicte longuement après le jour de St Remy dernier passé, eschut aussy difficulté si l'homme marié en payant lesdits tois pattars en affranchist sa femme, ses enfants et toutte sa maisnye estant en son gouvernement, pareillement quant aux enfants pupilles et aultres non mariez estans en gouvernement de leurs tuteurs ou curateurs non ayans père ou mère, et semblablement des enffans ayans père ou mère vivans se mettent en service de gens de bien ou se meslant de quelque stil ou marchandise, suppliant tres humblement ledit Recheveur que a sa descharge il plaise a lad(i)te dame Reyne sur tout ordonner et declarer son bon plaisir.

Sa Reginale Maj(es)té ayant le tout entendu, ce par advis et deliberation de conseil au nom et de la part de l'empereur ordonné et ordonne par cestes que le payement des trois pattars par an par les bourgeois forains de ladicte ville de Courtray se doibvent faire le jour de St Adrien dernier passée, et s'il n'est faict, ordonne que l'on publie que chascun paye endeans six semaines apres la(di)te publication à paine destre privé de leur bourgeoisie et submis droit dissue et à leur trespas meilleur catheil selon le contenu de l'ordonnance dessus mentionnée.

En oultre declare sa Reginale Maj(es)té que le père affranchist sa femme et ses enffans estans en son gouvernement, que les enfans ayans biens a eulx appartenans et non estans de gouverne de père et mère doibvent payer chascun pour sa teste.

Ordonnant sa Reginale Maj(es)té audit receveur de selon ce soy régler.

Ainsi fait et adressé à Bruxelles, le XXVIIIe jour d'Avril XVc quarante et un.

Ainsy seubscript : Marie et signé Wareghem.

(Archives de la ville de Courtrai, Registre côté n° 2 R. I, fo 25 verso)

Voilà dans quelles conditions fut imposée la taxe de 3 patards par an aux bourgeois forains de Courtrai. Cette taxe à laquelle ils restèrent toujours soumis par la suite, était minime eu égard aux avantages qu'elle procurait. Aussi le nombre des bourgeois forains fut et resta élévé, non sans causer quelque dépit à certains féodaux.

L'accesion à la bourgeoisie foraine ne ralentit point; elle fut et resta le puissant moyen d'émancipation pour les villageois du Courtraisis.

Reprise littérale ou adaptée de l'essentiel du sujet,
à savoir pour mention d'origine :
"Etude sur la bourgeoisie foraine de Courtrai", Emile Huys,
Cercle Royal Historique et Archéologique de Courtrai - Mémoires. Tome XVII, 1938.

Roger Descamps, le 12 mars 2005

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